Pour cette nouvelle année , j'ai voulu "innover" et j'ai mis "les les petits plats dans les grands". Imaginez j'ai invité une sommité !
Grâce à l'auteur britannique GK Chesterton, j’ai découvert Gabriel Gale, poète, artiste peintre de son état, et enquêteur à ses heures perdues ("Le poète et les lunatiques")…GK Chesterton le décrit comme un « poète de seconde zone mais un grand peintre » ; je tiens à le signaler car dans une émission de France Culture (toutefois intéressante mais laquelle ? Je les ai toutes écoutées sans prendre de notes... et je ne sais plus... Peut être celle avec Jean-François Merle?) il est dit qu’il est mauvais en tout, ponctué par des gloussements comme savent le faire ceux qui savent… Mr Gale m’a fait l’honneur de répondre présent à mon invitation et est arrivé sans masque à notre rendez-vous à la terrasse d’un petit café fort sympathique à Avignon. Comment se fait-il qu’il se soit déplacé (ma première question) ? « En tant qu’anglais mais aussi esthète, je ne résiste pas à l’appel de la Provence ! », m’a-t-il avoué… Je poursuis, l’ego blessé (les artistes sont un tantinet voire carrément narcissiques, n’est-ce pas ? Ben oui, j’aurais tellement aimé qu’il me dise : « GK Chesterton m’a parlée de vous en de très bons termes ! Mais au fond je ne fais l’objet d’aucun roman que je sache et encore moin du début du XXè siècle ! Eheheh) :
Moi :
« Vous vous dites semblable mais en même temps différent d’un fou, pourriez vous l’expliquer aux lecteurs du blog ? »
Gabriel (après deux sacristains et deux cafés corsés nous sommes devenus « potes », un peu comme autour d’une tête de moine* et un ballon de rouge* pour les connaisseuses) :
« Eh bien voyez-vous Linné, je lui ressemble par ce que je peux, moi aussi, entreprendre les voyages extravagants. Et j’’ai de la sympathie pour son amour de la liberté. Mais je suis différent de lui par ce que, grâce à Dieu, je sais retrouver le chemin de ma demeure. Le fou est celui qui perd son chemin sans pouvoir le retrouver »
Moi :
« C’est très intéressant. Ce que vous dites me rappelle la définition faite du Chaman par les inuits, lue je ne sais plus où « le chaman entreprend des voyages dans les autres mondes, mais il est celui qui sait rentré, à la différence du malade mental. Oui, il est plus « politiquement correct » de dire malade mental, ce qui n’enlève rien au discrédit accordé à cette caste d’humains dans nos sociétés « avancées » »
Gabriel :
« Le Chaman est poète… L’Art soigne l’âme très chère .»
Moi
« Vous prêchez une convaincue ! Mais après une excursion, le poète peut-il revenir dans sa demeure dans notre société ? Car revenir me semble de plus en plus difficile… »
À ce moment-là, la voix de Jiddu Krishnamurti se fit entendre, sûrement sortait-il de « Violette » la boulangerie au Corps Saints. Il lui arrive de revenir pour une douceur. Il clama de sa voix grave : « Ce n’est pas un signe de bonne santé que d’être bien adapté à une société profondément malade. »
Sans paraître surpris - mais Gabriel est un poète et connaît le pouvoir et la magie de l’invisible- il me/nous répondit :
« Je suis tout à fait d’accord. Il est de plus en plus difficile de partir en pérégrination poétique."
Un badaud esseulé qui nous écoutait coupa Gale pour rajouter :
"Pour voyager tout court !"
Gale lui sourit et reprit : "Tenez j’ai écouté une anthropologue française, NastassjaMartin. Le sens commun est perdu en Alaska, vous savez avec le réchauffement climatique . Même les animaux sont en pleine mutation et changent le trajet de leur migration . Elle cite Clarence, un Gwich’in, qui se plaint que les canaux des rêves sont brouillés ; ce qui ne lui permet plus d’aller chercher des réponses. Mais heureusement, ils ont la possibilité d’aller plus loin pour rêver »
Moi :
« Oh ! Ces propos rejoignent ceux de Carl Gustav Jung qui rapportait déjà que les Elgonyi (Afrique) avaient l’habitude de confier leur destin aux rêves de leurs chamans, malheureusement ces derniers se plaignaient de ne plus avoir de grands rêves depuis l’occupation des Anglais, à cause du commissaire du district qui sait ce que ses administrés doivent faire »
Gabriel :
« Un
commissaire qui marche debout et a toute sa raison » (si cela vous semble obscure, ne vous inquiétez pas vous allez comprendre )
Moi
« C’est cela. Et c’était en 1922 soient presque cent ans avant les propos tenus par Clarence. Jung était conspué par ses pairs à l’époque (quoique aujourd'hui c'est plutôt le mouvement ésotérique en France qui le cite à tout bout de champs). Mais la situation s’est encore aggravée et de façon exponentielle ! Or la Terre est limitée et le sauvage moribond. (pour certains c'est tout à fait "complotiste" ou ça l'était) Pourra-t-on toujours aller rêver plus loin ? Car enfin c’est bien cela la question : rêver loin de la civilisation normative et aliénante. Rêver pour se connecter au sauvage, à notre âme, à notre sagesse ancestrale.»
Gabriel :
« Notre âme est infinie très chère... Et regardez les animaux ils s’adaptent, ils réinventent… Ils changent de point de vue. Laissons les humains prendre conscience, laissons-les se retrouver la tête en bas »
Moi.
« Oh je connais votre penchant à marcher sur les mains et je peux même vous citer « Un paysagiste a besoin de voir le paysage à l’envers. Il voit alors les choses telles qu’elles le sont en réalité ». Quand j’ai lu cette phrase cela ne m’a aucunement étonnée. Quand on peint on sait qu’il est bon de retourner la toile pour voir « ce qu’il manque ». Eh puis que fait l’artiste, si ce n’est voir de l’autre « côté du miroir »?"
Je me suis tu.
Les mots n’ont aucune valeur,
Seule la musique de nos cœurs…
Gabriel s’est mis debout sur ses mains et moi en poirier. Un rossignol s’est posé sur notre table pour picorer les miettes. Table que je rappelle fictive en janvier 2021 puisque les cafés et restaurants n’ont pas lieu d’être. Fictive pour certains mais si réelle pour nous…
*une tête de moine n'est pas une tête de moine pour celles et ceux qui ne le savent pas. Mais bon vue les horreurs que j'écris après tout pourquoi pas? Et le ballon de rouge ce n'est pas un ballon couleur rouge. Mais bon c'est presque devenu de l'argot...
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